En brisant la porte du tombeau, Jésus est devenu la Porte qui nous fait passer de l’esclavage à la liberté. Par lui, nous pouvons entrer et sortir, pourvu que nous écoutions sa voix et suivions ses traces, à lui notre Pasteur. Il ne nous confine pas dans un espace clos et protégé par des préceptes rigides. Il nous ouvre de vastes pâturages verdoyants. Même les ravins de la mort ne nous effraient plus car Il est la Porte de la bergerie définitive qui est le cœur du Père. Là, nous contemplerons ce Pasteur qui est aussi l’Agneau immolé, et dont les plaies glorieuses ont guéri nos blessures. Les brebis qui ne sont pas encore de son troupeau et qui sont en exode nous rejoindront dans la vie en abondance.  Alors il nous appellera chacune par notre nom nouveau, ce nom mystérieux inscrit sur un certain petit caillou blanc (Apocalypse 2,7) !

Nous pouvons être déçus ou trahis par tant de personnes. Mais on ne peut être déçu par le Christ. Dieu seul peut combler le désir de l’homme, car il est le seul, qui, par son être même, ne puisse renier ses promesses. Aussi nous dit-il : Rien ne pourra vous arracher de ma main. Au milieu des tourments, des incertitudes de notre monde, des peurs engendrées par le terrorisme, l’insécurité, la décadence ou la précarité, que sais-je encore ? le Christ, Lui, ne nous lâche pas. Il est notre souveraine liberté que rien ni personne ne peut nous ôter. Le monde peut s’écrouler, notre vie s’arrêter, nous restons dans sa main. Choisir d’être dans la main de Dieu, c’est une attitude qui s’enracine dans l’inaltérable espérance que Dieu aura le dernier mot, en son temps.

Cette merveilleuse parole de Jésus à ses disciples appelle en écho la réponse qu’il fera à Philippe: « Qui m’a vu a vu le Père ». (Jn 14,9)  Moïse, le fidèle ami, n’avait vu Dieu que de dos. Mais Jésus affirme : qui me voit, voit le Père, ici et maintenant. Il faut s’approprier ces mots, les faire descendre au profond du cœur et mesurer leur portée infinie ; mais aussi considérer le regard que l’on porte sur le Christ. Regard de foi qui voit en lui bien plus qu’un simple maître de sagesse : le Révélateur du Père en sa personne. Mais que signifie voir le Père, sinon méditer les paroles et la vie du Christ, faire sien son commandement d’amour et percevoir déjà, au milieu de ce monde, le Royaume en germe? Alors, le visage du Père s’imprimera en nos cœurs, telle une effigie. Et nous deviendrons d’autres Christs pour nos frères en humanité.

Jésus méprise-t-il le savoir ? Est-ce un prétexte pour vivre notre foi dans une sorte de paresse spirituelle, sans l’approfondir ? Est-ce une raison de nous targuer de notre ignorance volontairement entretenue ? Sainte Catherine de Sienne, par exemple, ne savait pas écrire, mais elle était capable de dicter ses lettres à trois secrétaires à la fois ! Sa sagesse, elle la recevait de l’Esprit Saint, dans l’humilité de son cœur. Ce que Jésus vise ici c’est peut-être une sorte de savoir suffisant et intolérant. Mais notre connaissance religieuse est toujours en mouvement, jamais statique. Jésus parle du joug : celui-ci dirige, certes, mais il permet aussi d’avancer, tout simplement. Voilà l’essentiel : en avant, toujours en avant !

S’approchant de sa Passion, Jésus explique à ses apôtres combien les jours à venir vont être difficiles, douloureux pour eux. Il les invite alors à se laisser éclairer par la Lumière divine : « vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi ».  Parce qu’Il a été l’un de nous, Jésus sait les inquiétudes, les lourdeurs, les fragilités de nos pauvres vies humaines. Et c’est dans ces traversées-là que Jésus vient nous redire « Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie ». C’est par la victoire de l’amour sur la mort que la Vie du Christ va devenir source de vie pour chacun de nous. Marchons avec Lui, croyons en Lui, vivons en Lui. Ce chemin-là est une voie grande ouverte sur laquelle nous ne marcherons jamais seuls parce que Jésus est là, chaque jour, à nos côtés comme Il nous l’a promis.

Telle est la phrase centrale de cet évangile. Demandons à l’Esprit-Saint de nous guider sur le chemin vertigineux du mystère chrétien. Celui que nous nommons Dieu, celui qui EST, l’absolument transcendant qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer ou concevoir, s’est rendu visible à nos yeux de chair. Il a même voulu apprendre de Joseph à travailler ! Jésus et son Père ne font qu’un. Philippe a raison : voir le Père est le grand désir de l’homme, fait pour l’infini. Cet ardent désir ne sera satisfait qu’au ciel, certes, et pourtant Dieu se fait voir dès ici-bas, à travers le voile de l’humanité de Jésus. Qui aurait osé imaginer un tel bonheur ? Alors, fréquentons Jésus. Cherchons-le. Peu à peu, le voile qui nous sépare de la vision se fera plus ténu et le jour viendra où nous verrons Dieu face à face.

Quel grand bonheur d’entendre Jésus nous inviter à demeurer en lui ! Lui, il demeure déjà en nous. Aurons-nous assez de foi pour répondre à cette invitation ? Oui, car avec le Christ tout se vit et se fait dans la confiance. Nous pouvons le laisser visiter et habiter toutes nos demeures. Si nous acceptons cette habitation réciproque, nous pouvons porter des fruits qui demeurent car nous sommes greffés sur le Christ. Le Christ insiste au v. 7 : « Demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous ». Si nous accueillons le Christ en nous, nous accueillons sa Parole. Accueillir la Parole du Christ et la méditer peut être pour nous une manière d’ouvrir notre demeure au Christ lui-même. Restons solidement attachés à la vigne et nous produirons de beaux fruits qui glorifieront notre Père, le vigneron véritable.