Au pied de la croix, Marie contemple son Enfant, dépouillé de la tunique qu’elle avait peut-être tissée de ses propres mains ; cette tunique sans couture, symbole de l’unité de l’Eglise. En disant : « Femme voici ton fils », Jésus confie à Marie l’Eglise naissante, représentée par la personne du disciple bien-aimé. Comme le dit si bien la préface de la messe de ce jour : « Marie a reçu d’un cœur maternel tous les hommes dispersés, que la mort du Christ a rassemblés. » Puis, « inclinant la tête, Jésus livra son esprit ». Effusion discrète de l’Esprit Saint sur Marie et Jean, dès avant la Pentecôte qui rendra visible le Corps mystique du Seigneur. Nous qui sommes nés de l’eau et de l’Esprit, appuyons-nous sur la prière de Marie, Mère de l’Eglise, comme le firent les Apôtres au Cénacle, et demeurons dans l’unité, en témoignant joyeusement de notre espérance.

" Mais de quoi discutiez-vous en chemin ? Savoir qui était le plus grand." Les disciples sont pris en flagrant délit « d’étalonnage fraternel ». Discutaient-ils aussi de leurs futurs émoluments dans le Royaume, de leurs sièges attribués selon leur ancienneté ? Il ne semble pas que ce soient les valeurs du Royaume. Jésus, qui éduque toujours ses disciples avec patience et délicatesse, leur enseigne la vraie attitude évangélique : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »  Puis, Marc décrit une scène avec précision : Jésus s’assoit, prend un enfant et le place au-milieu d’eux, puis l’embrasse. Jésus s’est fait Serviteur et a pris la dernière place. Il a donné sa vie pour tous, y compris les enfants. Alors il dit : vous n’accueillez pas vraiment l’enfant, parce qu’il est incapable de s’imposer. Il est trop insignifiant pour vous. Eh bien ! écoutez : Là où se trouve celui qui est incapable de se faire valoir, je me trouve moi-même. « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille ».

Décidément, les disciples ne comprennent pas tout, tout de suite… Reprenons la scène. Un homme expulse un démon au nom de Jésus et le voilà « expulsé » à son tour par le groupe des disciples sous prétexte qu’« il n’est pas de ceux qui nous suivent ». Les disciples estiment en quelque sorte que « celui qui n’est pas pour nous est contre nous ».  Eh bien non, leur dit Jésus, c’est tout l’inverse. « Ne l’en empêchez pas, mon nom se suffit à lui-même. Celui qui fait un miracle en mon nom, ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ». Les disciples s’en souviendront plus tard. En effet, dans le livre des Actes des Apôtres au chapitre 4 verset 12 nous lisons : « Il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel nous puissions être sauvés ». Réjouissons-nous avec ceux qui invoquent le nom de Jésus, qu’ils soient de notre « chapelle » ou pas, et marchons ensemble dans l’espérance en attendant la claire-vision qui nous attend au ciel. Dieu travaille les cœurs. Notre travail à nous est d’en rendre grâce.

« Ces petits », c’est-à-dire ceux qui sont plus pauvres, plus faibles que nous. Nous trouvons toujours un « plus petit » sur notre route, peu importe qu’il soit enfant, adulte ou vieillard. L’essentiel est la relation que j’entretiens avec la personne en face de moi. Est-elle faite de domination ou pas. « Pensez-vous que l’Ecriture parle pour rien quand elle dit : Dieu veille jalousement sur l’Esprit qu’il a fait habiter en nous ? » (Epître de st Jacques, chapitre 4, verset 5). Nous ne savons pas d’où St Jacques tire cette parole dans l’écriture. Peut-être le texte a-t-il été perdu, ou bien tiré d’une tradition orale ? En tout cas, grâce à lui nous pouvons mieux comprendre pourquoi Jésus nous met en garde contre tout esprit de domination. Nous pouvons abîmer le mystère délicat et sacré de sa présence divine en l’homme qu’il soit enfant, adulte ou vieillard.

Les pharisiens abordent Jésus et lui posent une question dont ils connaissent parfaitement la réponse puisqu’elle se trouve dans l’écriture. Oui, Moïse a permis de renvoyer sa femme en cas d’adultère à condition d’établir un acte de répudiation. Mais Jésus ajoute : « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé cette règle ». Au commencement, nos cœurs n’étaient pas si durs. Le livre de la Genèse en est le témoin lorsqu’il raconte la création du premier couple humain. « Avec la côte qu’il avait prise à l’homme, il (Dieu) façonna une femme et il l’amena vers l’homme. Ainsi, Adam s’écria face à la femme : « Cette fois-ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma chair ! On l’appellera femme – Ishsha –, elle qui fut tirée de l’homme – Ish » (Genèse 2,22-23). Au commencement, Dieu nous a fait homme et femme. Cette « marque de fabrique » est inscrite dans notre chair, comme un sceau brûlant que certains voudraient malheureusement effacer. Mais c’est impossible ! Car la complémentarité de l’homme et de la femme a été voulue de toute éternité par notre Créateur et rentre dans son dessein d’amour bienveillant. N’y a-t-il pas une forme d’adultère, autre nom de l’idolâtrie, à vouloir nier cette splendeur de la Vérité inscrite dans notre humanité ?

Que veut dire « à la manière d’un enfant » ? Pas comme un adulte qui va d’abord jauger les événements d’après l’utilité pratique ou le bénéfice à retirer. Sans romantisme, nous pouvons quand même accorder aux enfants une facilité pour se réjouir de la nouveauté et aimer les surprises. Nous pouvons aussi admirer chez eux cette capacité à être naturels, à exprimer leurs vrais sentiments (au risque de se faire traiter de mal élevés, d’ailleurs). L’enfant est jeune, n’a pas tout vu, ne connait pas tout, il regarde devant, aime le présent, attend le futur proche. Il a la simplicité du regard et du cœur. Toutes ces images doivent nous aider à trouver un esprit d’enfance spirituelle qui n’est rien d'autre que la maturité chrétienne.

La fête de la sainte Trinité nous invite à regarder le mystère le plus fondamental de notre foi. Mystère que nous ne pouvons porter et qui, cependant, ne nous est pas si étranger que cela. Comme chrétiens, nous faisons, peut-être tous les jours, et même plusieurs fois par jour, le signe de croix « au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ». Signe extérieur, légèrement glissé sur notre corps, pour que notre intimité soit rejointe par l’intimité d’un Dieu, un en trois personnes. Si le mystère de la Trinité nous paraît inaccessible, il révolutionne cependant l’idée que nous pouvons nous faire de Dieu. Qui est-il pour désirer nous faire partager ce qu’il est, sans aucune restriction ? A chacun de faire le chemin pour accueillir cette révélation.