A Pâques, le Christ inaugure la naissance de la Création nouvelle. On ne s’étonne donc pas que des femmes soient les premières à en recevoir l’annonce. Annonce ou annonciation ? On décèle bien des correspondances entre Marie de Nazareth et ces femmes de l’aube pascale ! Soulignons que la Résurrection n’est pas un happy end. Elle est le point de départ de l’évangélisation. Le Christ glorieux se laisse voir par les femmes pour leur confier un message auprès de ceux que désormais il appelle « ses frères ». Alors, toute crainte envolée, seule demeure l’allégresse de transmettre la Nouvelle qui bouleverse l’univers : le Christ est ressuscité et la vie éternelle est advenue. Marie de Magdala et l’autre Marie forment le premier noyau de l’Eglise, qui, jusqu’à la fin des temps, ne cessera d’enfanter des membres du Christ.

Rencontre bouleversante, si simple et si remplie de mystère, de Marie-Madeleine avec le Ressuscité ! Les yeux pleins de larmes, encore dans la nuit, elle cherche son bien-aimé dans l’obscurité du tombeau. Mais les anges puis le Seigneur lui-même lui indiquent une autre direction. Un double retournement lui permettra de reconnaître, à l’appel de son nom, la présence de son Maître et Seigneur ressuscité. Dans cette rencontre intime du jardin, le Ressuscité vient à elle et l’envoie vers ses frères. La voici devenue "l’Apôtre des apôtres". A sa suite, un même élan nous porte à proclamer : le Christ est ressuscité pour notre joie ! Avec saint Syméon le Nouveau théologien, nous pouvons dire : « Je l’ai trouvé celui que je voyais de loin, tout entier, tel un feu, réellement, au milieu de mon cœur. »

Cléophas et son compagnon marchent. Le moral n’est pas au beau fixe. Et comment en serait-il autrement ? Anéantis par le désastre de la croix, l’échec de Jésus est la seule réalité qui s’impose à leur esprit. Enfermés dans leur désarroi, ils en sont restés à l’homme Jésus. Comme ils nous sont proches, encore aujourd’hui, tant il est vrai que l’on peine parfois à reconnaître la pleine divinité du Christ ressuscité ! Comme Cléophas, en bons disciples, prenons la route, nous aussi. Ecoutons le Christ nous enseigner, au gré des Ecritures. Redécouvrons les Prophètes et l’ensemble de l’Ancien Testament, à la lumière de la Résurrection du Christ, pour discerner peu à peu son Visage, pour comprendre que le mystère de la croix et l’extrême abaissement du Fils sont la clé qui révèle la gloire du Ressuscité. C’est le pèlerinage de toute une vie !

Quelles sont les notes dominantes de la Résurrection ? Triomphalisme ? Evidence quelque peu écrasante de cette victoire sur la mort ? Ou au contraire une présence inattendue, imprévisible, mais paisible, marquée par ces paroles du Ressuscité « La paix soit avec vous » ? Cette présence ne fait pas abstraction des marques des clous dans les mains et les pieds. La puissance de la Résurrection est une force fragile, une fragilité forte qui ne s’impose pas, mais qui s’accueille. Nous portons tous, comme le Christ ressuscité, des marques de clous de toute sorte. Avec lui, nous sommes tous membres de cette humanité blessée. Ne cachons pas ces marques de clous, le Christ vient y déposer sa paix, ils sont le lieu de notre propre résurrection.

Avec sa fougue habituelle, Pierre se jette à l’eau pour rejoindre Jésus qui se trouvait sur le rivage. Chose étonnante et plutôt contraire à ceux qui aiment nager ; ordinairement lorsqu’on se jette à l’eau, on ne s’habille pas. Mais Pierre, en s’habillant, de quel vêtement se revêt-il ? celui de l’amour parfait qui, lavé par la miséricorde, ne laisse plus de place au doute. Pierre ne calcule pas, il ne raisonne pas, il y va. Le texte nous rappelle pourtant que le premier qui reconnaît Jésus, c’est « le disciple que Jésus aimait ». Mais Pierre est le seul qui se jette à l’eau. Oui, il plonge pour être lavé de ses reniements, espérant contre toute espérance. En fait, il plonge dans la miséricorde que Jésus lui propose, Il tombe dans les flots de la foi. A chacun de nous aussi de faire le grand plongeon.

Encore émerveillés de la Bonne Nouvelle pascale, nous voici chargés de l’annoncer à toute la création. Qu’est-ce à dire : « toute la création » ? L’homme créé et sauvé, bien sûr ! C’est l’exigeante et joyeuse mission de l’Eglise depuis les origines. Mais l’homme n’est pas toute la création ; il en est le grand prêtre car seul il est à l’image de Dieu. Sur la croix, le Christ a étendu ses bras immenses depuis Adam jusqu’au dernier homme, pour les étreindre de son Amour rédempteur. Son œuvre de salut s’étend à toute créature terrestre et notre mission est de l’annoncer. Mais il nous faut aller plus loin et chanter le salut à toute la création : le chanter au soleil et aux étoiles, à tout le cosmos en son immensité à peine connue. L’élan de toutes les créatures, raisonnables ou non, déferle vers Dieu. Il les emporte dans le salut de l’homme.

Ce n’est pas un détail : les verrous sont restés tirés sur les portes. C’est que la venue de Jésus n’est pas celle d’un héros de dessins animés, qui fracasse allègrement la porte d’entrée ! Passez-moi ce petit trait d’humour et contemplez combien la venue de notre Sauveur respecte infiniment nos peurs. Même si nos petits verrous intérieurs subsistent, la paix est donnée. Un autre détail est surprenant : il manque un disciple. Je comprends la frustration de Thomas et je suis d’autant plus touchée par la délicatesse de Jésus qui revient, rien que pour lui, afin qu’il se réjouisse avec tout le monde, et surtout, qu’il croie. Merci Thomas, ton amour pour Jésus nous vaut une nouvelle Béatitude : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». A nous de jouer maintenant, pour continuer à répandre cette joie sur le monde.