Aimer, c’est un vaste programme… Mais l’amour n’est pas virtuel, comme sur Internet ! L’amour s’incarne et se concrétise. Jésus dit que justement pour aimer, il faut garder ses commandements. Rester fidèle à ses commandements semble être synonyme de rester fidèle à sa parole, car ce sont les mêmes mots qui sont utilisés ici. Mais en quoi cela consiste-t-il ? La clé est peut-être donnée par la promesse de l’Esprit, le paraclet. C’est bien par l’Esprit qu’il se manifestera à nous, c’est bien par l’Esprit que le Père et le Fils établiront leur demeure en nous.

Rester fidèle à la parole, garder cette parole, c’est peut-être accueillir en nous cette manifestation du Père et du Fils. Grâce à l’Esprit, entrons donc dans cette épiphanie d’amour et de don.

Quelle est cette paix donnée par Jésus ? Serait-ce l’absence de contrariétés et de contradictions, une mer sans vagues ? La vie du Christ nous éloigne vite de cette naïveté. La paix que Jésus donne à ses disciples est celle qu’il a acquise au prix fort, au prix de son sang et d’une traversée angoissante de la nuit de l’agonie, de l’abandon des siens, de la croix et du tombeau. Elle est le fruit d’un combat qu’il a mené pour nous. Non, ce n’est pas à la manière du monde que Jésus nous la donne. Recevoir la paix du Ressuscité, c’est entrer dans le mouvement du Fils qui se donne lui-même au Père, c’est lui laisser faire en nous cette traversée intérieure, celle de la Pâque du Christ mort et ressuscité. Il part et revient vers nous. Il vit en nous par son Esprit. Là est notre paix et notre joie.

L’image de la vigne court à travers toute la Bible et Jésus la reprend ici, car, en lui, elle trouve son parfait accomplissement. Il est le cep authentique, qui offre au Père le fruit parfait par son oblation sur la croix. Et il donne aux hommes le vin nouveau de l’Alliance nouvelle, par son sang versé. Lui, la vigne véritable, est la source de vie, la nourriture qui fait grandir et produire du fruit. Demeurer en lui, mais aussi le laisser faire sa demeure en nous pour ne faire qu’un avec lui, c’est vital. Car il est le chemin de sainteté, de vie et de vérité et sans lui nous ne pouvons rien faire. Ainsi, en bons sarments, nous porterons un fruit de choix pour la gloire de Dieu : l’excellent vin de l’amour et de la joie, qui réjouira le cœur de nos frères en humanité.

Qui dit « demeurez » dit maison ! Quelle est notre maison, notre chez nous ? Où pouvons-nous vivre sous le regard de vérité du Seigneur…sinon dans la maison de notre cœur ? Il y a des pièces moins fréquentées que d’autres, peut-être encombrées de souvenirs oubliés ou refoulés. On y trouve quelques toiles d’araignée, une couche de poussière, fine ou épaisse. Il y a aussi la façade de la maison aux volets fraîchement repeints. Il y a enfin l’arrière-cour où s’accumulent peut-être de mauvaises herbes … Mais le Seigneur veut habiter tous les recoins de notre cœur, de la cave au grenier ! Ouvrons-lui les fenêtres. Que son Esprit s’y engouffre pour tout aérer ! Ainsi pourrons-nous chanter avec le psalmiste : « Heureux les habitants de ta maison, Seigneur ! »

« L’amour est enfant de bohème, il n’a jamais, jamais connu de loi ». Carmen se trompe en chantant cela, vous ne trouvez pas ? Car Jésus insiste : « Mon commandement, le voici : aimez-vous les uns les autres comme je vous aimés ». Il existe donc une loi d’amour, donnée par le Christ au soir de sa vie, et qu’il nous faut accomplir en l’imitant. De quelle manière me direz-vous ? Eh bien, en recevant de lui le souffle intérieur qui nous établit en relation d’amitié avec lui. Jésus nous a tout dit, tout livré, tout fait connaître, car il n’a que faire d’esclaves ! Aux amis seuls, on partage ses secrets, n’est-ce pas ? Ce qu’il souhaite, c’est une communion de vie avec nous, dans laquelle il nous livre ses dons, pour que nous aimions en nous donnant. Dansons avec Carmen en chantant « l’amour est enfant de bohème, et il n’a qu’une loi : aimez-vous les uns les autres. »     

Jésus est formel, mais que veut-Il dire ? Ses paroles sont toujours à recevoir dans la lumière de la foi de l’Eglise. Aujourd’hui, par exemple, Il ne nous dit pas de nous désintéresser des affaires d’ici-bas. Lui-même a multiplié des pains pour nourrir des foules affamées, iI a guéri des corps malades, il a pleuré sur son ami Lazare. Il fut le plus humain de tous les hommes. Cet évangile nous est donné à quelques jours de l’Ascension, voilà une clé de lecture. Nous sommes faits pour rejoindre le Père. Notre vraie demeure est au ciel. Dans notre vie, nous devons joindre ces deux réalités. Par l’espérance, notre vie est ancrée dans la Patrie céleste, mais aussi sur cette terre. Simplement, le monde – au sens où il se satisfait des convoitises d’ici-bas et du péché – ne peut nous retenir. Nos racines sont le cœur du Père.

Aujourd’hui, nous prenons des forces neuves en écoutant une parole étonnante : « Je vous appelle mes amis. » Qu’est-ce qu’un ami ?  Un ami, on le regarde les yeux dans les yeux, on peut tout lui dire comme on peut rester en silence avec lui. Dans l’amitié, un regard suffit pour absorber toutes les douleurs et toutes les joies de l’autre. Vous rendez-vous compte de l’affirmation de Jésus ? Nous sommes ses amis ! L’infiniment transcendant, le Créateur des univers, l’amour parfait est notre ami. Demeurer en son amour, c’est peut-être demeurer sans crainte auprès de lui. Alors oui, il peut monter rejoindre son Père, maintenant qu’il nous a offert ce trésor. Avec un tel Ami, nous ne serons plus jamais seuls. La solitude ravage tant de vies ! Soyons un reflet de sa Présence.